Entretenir le plaisir de manger pour prendre soin de la santé des tout-petits

Proposer une alimentation saine à un enfant n’est pas seulement une affaire d’aliments. Bien d’autres facteurs importants sont également en jeu, quand il s’agit d’aider l’enfant à construire ses préférences pour des aliments sains. Les recherches de Sophie Nicklaus, qui a remporté en 2018 le nouveau Danone International Prize for Alimentation (Prix International Danone pour l’Alimentation - DIPA), visent à déterminer la nature de ces facteurs.

Les facteurs qui influent sur les choix alimentaires des enfants peuvent être de nature sociale, psychologique et culturelle. On les désigne collectivement sous le terme d’“Alimentation”. Dans le cadre de ses recherches, Sophie Nicklaus prend en compte plusieurs fonctions de l’alimentation :

  • Répondre aux besoins nutritionnels
  • Apporter du plaisir
  • Créer un lien social avec la famille et les amis
  • Définir l’identité de l’individu en créant un sentiment d’appartenance, par exemple à un groupe social, religieux ou culturel.

Zoom sur le plaisir

Sophie Nicklaus estime que, dès le début, la façon dont les parents nourrissent leur enfant en bas âge détermine de manière très importante à quel point leur enfant mangera sainement en grandissant. (Nicklaus & Remy 2013).

Il ne s’agit pas seulement d’apprécier le goût des aliments pour associer nourriture et plaisir. Sophie Nicklaus estime qu’il existe trois dimensions en ce qui concerne le plaisir de manger (Marty et al., 2018) :

1.     Le plaisir sensoriel :

En dehors de notre goût inné pour les aliments sucrés, nous apprenons ce qu’est le plaisir sensoriel à travers nos expériences alimentaires (Nicklaus 2016). Dès la naissance, les bébés peuvent goûter et sentir les saveurs et les arômes des aliments, une expérience que propose également le lait maternel, puisque les aliments consommés par la mère influent sur le goût de son lait, et donc sur les préférences de l’enfant (Schwartz et al 2017, Mennella 2001, Cooke et Flides 2011). À mesure que le bébé grandit, il apprend à gérer différentes textures. À 2 ans, et probablement avant, il est entièrement équipé pour apprécier tous les aspects de l’alimentation.

 

2.     Le plaisir commensal :

En plus de la nourriture, le contexte du repas est également important (Marty et al 2018). Partager un repas sain avec ses parents, ses frères et sœurs, et ses amis peut aider l’enfant à apprécier les aliments sains, car cela lui permet d’apprendre en imitant. Dès l’âge d’un an, les enfants apprennent quels sont les aliments privilégiés par leur culture, en observant et en imitant les gens qui les entourent (Shutts et al 2013, Crowys et al 2015). Voir sa famille apprécier des aliments sains dans un environnement agréable et social renforce et détermine les choix alimentaires de l’enfant, qui se répercutent plus tard dans sa vie (Liberman et al 2016). Il a également été montré que le simple fait de parler de la nourriture que l’on mange, et de son goût, détermine de manière considérable à quel point l’enfant apprécie ses repas (Wiggins 2016).

 

3.     Le plaisir cognitif :

La manière dont les enfants pensent aux aliments peut également être influencée par des processus cognitifs (pensées, images, idées). Certains signaux cognitifs permettent d’apporter une « valeur ajoutée » aux aliments, ce que de nombreuses publicités exploitent pour vendre des aliments, souvent défavorables à la santé. Pour autant, la publicité peut également être utilisée pour promouvoir une alimentation saine, et il est possible de développer une attitude positive vis-à-vis de la nourriture, pendant l’enfance. C’est pourquoi les enfants peuvent apprécier des aliments sains autant pour leur valeur cognitive que pour leur valeur nutritionnelle (Fernqvist et al 2014).

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A propos du Dr. Sophie Nicklaus

Lauréate du premier Prix international Danone pour l'alimentation, Sophie Nicklaus est directrice de recherche à l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), basée au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation de Dijon.

Après avoir obtenu son diplôme en sciences agronomiques, Sophie a développé une fascination pour la nourriture et les influences qui façonnent nos comportements alimentaires. Elle s’est donc lancée dans sa carrière en étudiant le comportement alimentaire des enfants et ses évolutions pour les guider sur la voie d’une alimentation saine tout au long de la vie.

La thèse de doctorat de Sophie à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) de Dijon était son premier contact avec l’étude du développement des préférences alimentaires chez les enfants. Elle a mené une étude de cohorte en collaboration avec un pédiatre de maternelle de Dijon, qui suivait les habitudes alimentaires des enfants de l'école. «Il m’a donné un accès gratuit à toutes ses données et m’a dit que j’aurais besoin d’une brouette pour tout transporter!» se souvient Sophie. «Pouvoir suivre certaines personnes de l’enfance à l’âge de 22 ans m’a permis de comprendre comment les préférences alimentaires établies dans la petite enfance affectent les comportements alimentaires jusqu’à l’âge adulte». Sophie a mis au point des méthodes pour évaluer les qualités sensorielles (goût et odeur) des aliments afin de comprendre leur relation avec les préférences et les choix alimentaires. Cette expertise est devenue la base de ses futurs projets de recherche.